l'avis du Dr Frederic HEBRAUD, Paris VI & VII
A la fin des années 80, aux Etats -Unis, les autorités sanitaires s'étaient mobilisées pour enrayer le fléau de la prolifération canine et féline qui sévissait dans tous le pays. Les centres d'hébergements (SPA ) américains étaient surpeuplés d'animaux abandonnés ou capturés divagants.
Pour la seule année 1990, et selon les sources, ce sont de 5,4 à 9 millions de chiens qui ont été euthanasiés dans les centres d'hébergement américains!! 5,7 à 9,5 millions de chats subissaient le même sort, cette année là aux Etats-unis.
Je vous laisse imaginer l'état psychologique des bénévoles qui travaillaient dans ces centres de protection (??) des animaux!
Mais les américains sont un peuple plutôt pragmatique: au lieu d'euthanasier tous ces animaux, ils ont considéré qu'il serait plus judicieux d'éviter leur prolifération en s'attaquant aux problèmes à la source, à savoir la capacité de reproduction des animaux domestiques.
Déjà, depuis de nombreuses années, les éleveurs stérilisaient entre 2 et 3 mois les chats et les chiens de race avant de les céder à leur futurs propriétaires. Leur motivation n'était certes pas sanitaire mais économique: ils étaient ainsi certains que les propriétaires ne pourraient pas faire reproduire les animaux de leur "marque". A ces avantages purement matérialistes on s'est aperçu que la stérilisation précoce avait en plus d'indéniables bénéfices sur la santé et le comportement des animaux ainsi stérilisés.
Cette pratique a été progressivement généralisée pour les centres d'hébergements, et tous les chatons ou tous les chiots ( mâles ou femelles) ont été stérilisés avant leur adoption vers 3 mois.
Pour l'année 2008 on estime que "seulement" 3,7 millions d'animaux ont été euthanasiés dans les centre d'hébergement sur le territoire américain. C'est encore un chiffre considérable mais bien inférieur aux 11 à 20 millions d'euthanasies en 1990!
Depuis, la stérilisation précoce des chiens et des chats est enseignée dans la plupart des universités vétérinaires américaines et dans de nombreuses écoles européennes. Paradoxalement, cette matière a beaucoup de mal a être reconnue et enseignée en France: cela fait une dizaine d'années que je la pratique régulièrement et très peu de confrères semblent intéressés par cette technique.
Peut être que les idées reçues ont la peau dure:
beaucoup de propriétaires pensent qu'il est indispensable qu'une chienne, ou une chatte, ait une portée avant d'être stérilisée, ou sinon que la stérilisation ait lieu après les premières chaleurs.
Les pratiques américaines en matière de protocole de stérilisation ont montrées, sur de très grands nombres de chiennes , qu'une chienne stérilisée avant ses premières chaleurs avait 200 fois moins de risques d'avoir, dans sa vie, des tumeurs mammaires, par rapport à une chienne non stérilisée; une chienne stérilisée après ses premières chaleurs n'avait que 12 fois moins de risques; après les 2éme chaleurs, plus que 4 fois. Après les 3éme chaleurs il n'y avait plus dedifférences significatives.
La stérilisation élimine aussi les risques de métrites (infections de l'utérus).
Pour ce qui est de la stérilisation des mâles, la castration, les réticences sont essentiellement... culturelles, surtout dans les pays latins! Castrer son chien ou son chat est déjà traumatisant pour...le maître, alors, en plus, le castrer très jeune! Pourtant castrer un chat avant 3 ou 4 mois n'a pas, comme ça a pu être avancé par certains, d'influence sur la taille de l'urêtre ou sur la fréquence des maladies urinaires du chat adulte.
L'apparition des problèmes urinaires chez le chat sont davantage corrélés à l'état d'embonpoint qu'à la stérilisation précoce.
Par contre la castration précoce abolit les phénomènes de marquage urinaire, dont les désagréments olfactifs, dus à la testotérone, n'existent pas chez les chats castrés.
Pour les chiens, la castration précoce n'a pas d'incidence médicale négative.
Elle diminue l'agressivité entre chats mâles et entre chiens mâles.
L'espérance de vie est plus grande chez les chiens ou les chats castrés avant la puberté, ceci étant lié au mode de vie, aux fugues beaucoup moins nombreuses et à l'absence des fréquentes bagarres entre mâles entiers (blessures...)
La stérilisation précoce va entrainer une incontinence urinaire de la chienne:
cette affirmation est non fondée. L'âge à la stérilisation n'a pas d'incidence sur ce phénomène qui est observé chez 5 à 20%, selon les races, des chiennes stérilisées, . La taille serait beaucoup plus significative , l'incontinence étant plus marquée chez les chiennes de plus de 20kg
Une stérilisation précoce va ralentir la croissance du chat ou du chien!
Cette affirmation est non fondée. C'est l'hormone de croissance qui est responsable de la croissance du squelette, pas les hormones sexuelles.
Les hormones sexuelles sont, au contraire, impliquées dans la fermeture des cartilages de croissance et elles contrôlent donc l'arret de la croissance des mammifères.
On a tous observé que les jeunes filles ont pratiquement leur taille adulte vers 13/14ans au moment de la puberté: le pic oestrogénique ralentit progressivement puis arrête les phénomènes de croissance. Pour les garçons , le pic de testostérone est plus tardif, et ferme la plaque de croissance plus progressivement.
Chez le chien et le chat, la stérilisation avant la fermeture de la plaque de croissance retarde cette fermeture et est associé à un allongement statistiquement significatif des os longs (fémur, tibia, humérus...). Cet allongement (très modéré) n'entraine pas de pathologie particulière.
La stérilisation précoce aggrave les problèmes d'obésité.
La proportion d'animaux obèses est plus importantes chez les animaux castrés que chez les non castrés. L'âge à la stérilisation ne semble pas intervenir.
Les chiennes stérilisées tardivement (après les deuxièmes chaleurs) semblerait avoir une tendance à l'embonpoint plus marquée: elles mangeraient entre 20 et 30% de plus et feraient moins d'exercice. Cette augmentation de prise de nourriture pourrait s'expliquer par une propriété des oestrogènes qui auraient un rôle de facteur de satiété; l'ablation des ovaires "libèrerait" leur appétit.
Néanmoins, l'obésité post-stérilisation n'est pas une fatalité. Elle peut être parfaitement contrôlée par un régime alimentaire approprié!
La stérilisation précoce provoque des problèmes de comportement.
Les étude menées Outre-Atlantique ne montrent pas que les animaux stérilisés précocément ont plus de troubles du comportement que les autres. Le taux de retour des animaux adoptés dans les centres d'hébergement n’est pas modifiée
Par contre les problèmes de malpropreté, d’agression entre chats ou entre chiens sont moindres.
La castration précoce rend les animaux plus docile, diminue le comportement agressif (sauf pour l'agressivité par peur) d'autant plus que cette castration aura été pratiquée tôt avant la période pubertaire, avant l'imprégnation hormonale du cerveau.
Certains auteurs ont indiqué une baisse de l'anxiété de séparation et de l'incontinence émotionnelle chez les chiens castrés avant 5 mois.
Pour les mâles le volume des testicules n'est pas aussi développé qu'il le sera à 6 mois, ce qui peut poser un problème d'ordre technique, seulement sur certaines races de chat à développement lent.
Généralement l'extraction des testicules se fait par une seule ouverture réduite. Chez le chaton, le temps opératoire est très court.
Avantages chirurgicaux de la stérilisation précoce
la technique chirurgicale pour la stérilisation précoce des chiens et des chats ne présente aucune difficulté. Au contraire les vétérinaires qui la pratique témoignent tous de la facilité à trouver l'utérus et les ovaires qui ont dès l'âge de 8 semaines la taille qu'ils ont à 6 mois, mais dans un environnement dépourvu de graisse.
De ce fait la chirurgie est plus rapide. En cas d'ovariectomie, l'ouverture chirurgicale est très étroite, la suture très petite. De plus, je pratique une suture intra-dermique avec du fil résorbable, non apparent (les points sont sous la peau) permettant une cicatrice très fine.
Cette technique de suture, en plus d'être très esthétique, permet une cicatrisation très rapide (surtout sur de jeunes animaux en croissance), et lorsqu'elle est complétée par l'apposition d'une très fine pellicule de colle biologique, elle permet une imperméabilisation de la plaie aux microbes extérieurs. Aucun pansement n'est nécessaire: les chatons ou les chiots des refuges peuvent être remis en liberté ou adoptés très rapidement sans qu'ils aient besoin de voir un vétérinaire pour enlever les fils chirurgicaux; il en est de même de même pour les animaux de ma clientèle qui n'ont pas besoin d'une consultation supplémentaire pour le retrait des fils.
Pour les mâles le volume des testicules n'est pas aussi développé qu'il le sera à 6 mois, ce qui peut poser un problème d'ordre technique, seulement sur certaines races de chat à développement lent.
Généralement l'extraction des testicules se fait par une seule ouverture réduite, le temps opératoire est très court.
L'anesthésie ne pose aucun problème particulier, le temps chirurgical étant beaucoup plus court que pour la stérilisation des adultes.
Toutefois, deux particularités physiologiques des très jeunes animaux doivent être prises en considération:
Les chiots et les chatons sont sujets à l'hypoglycémie. On évitera de leur faire subir un jeûne pré-anesthésique trop long. Un délai de 4-5 heures entre le dernier repas et la chirurgie est suffisant.
Ils sont aussi très sensible à l'hypothermie et il faudra, durant l'anesthésie, veiller au maintien de la température corporelle.
En pratique, on met les femelles sur des matelas chauffants.
Les chats mâles sont anesthésiés directement au masque avec de l'isoflurane; l'intervention étant très rapide, il n'y a pas d'incidence sur la température et le réveil est pratiquement immédiat après l'arrêt de l'administration du gaz anesthésiant
En conclusion la stérilisation précoce est une chirurgie moins traumatisante avec une récupération bien meilleure pour les animaux.
Elle permet une prévention très efficace contre les tumeurs hormono-dépendantes.
Cette technique a montré son utilité et son efficacité Outre-Atlantique pour lutter contre la surpopulation animale, en évitant d'avoir systématiquement recours à l'euthanasie. Elle devrait être mise en place systématiquement dans les refuges français.
Pour les particuliers, elle permet, 15 jours après la deuxième injection de primo-vaccination, vers 3,5 mois, de stériliser avec une très grande sécurité et un bénéfice médical prouvé, leurs animaux de compagnie.
Pour avoir plus d'information sur la stérilisation précoce, vous pouvez consulter l'article suivant
https://avmajournals.avma.org/doi/full/10.2460/javma.231.11.1665
Determining the optimal age for gonadectomy of dogs and cats.
December 1, 2007, Vol. 231, No. 11, Pages 1665-1675
doi: 10.2460/javma.231.11.1665
Margaret V. Root Kustritz, DVM, PhD, DACT .Department of Veterinary Clinical Sciences, College of Veterinary Medicine, University of Minnesota, Saint Paul, MN 55108.